jeudi 28 mai 2009

Le Grand Ferré: un mâle

Hier, ma mère, qui est une dame beaucoup plus âgée que moi (condition nécessaire, mais non suffisante pour être ma mère), avait pris froid aux dents.
Ce sont des choses qui arrivent, prendre froid aux dents, surtout à ma mère. D'une manière générale, pour elle, tous les maux qui nous accablent proviennent d'un courant d'air qu'il aurait fallu éviter. La grippe banale ou porcine, la phtisie, la prostate, le sida: tout enfin, est une affaire de vent coulis. Avec une petite laine et un bon caleçon long, nous devrions être immortels. Je ne sais pourquoi, quand elle m'a dit ça au téléphone, j'ai irrésistiblement pensé au Grand Ferré… Vous ne voyez pas le rapport? Il y en a un pourtant, mais je reconnais qu'il ne doit pas s'imposer à l'esprit de beaucoup de monde… Le Grand Ferré déjà, vous vous rappelez de lui? Non? Alors je vous rafraîchis la mémoire en vitesse.

Le Grand Ferré, c'est l'un des héros magnifiques de mon enfance gauloise, à l'école primaire. Une sorte de Jeanne d'Arc qui avait des couilles, n'entendait pas de voix, et, autant qu'on le sache, n'allait même pas à la messe. Autant de subtiles différences avec l'ancêtre des féministes qui m'ont paru mériter une place sur ce blog.
J'aime mieux le dire tout de suite, on ne connaît pas grand-chose de la vie de ce Ferré, sinon qu'il a commencé à se faire un nom au cours de la Grande Jacquerie du Beauvaisis, en 1358. Les paysans du coin attaquèrent les châteaux, brûlèrent les bagnoles, piquèrent les portables, violèrent, massacrèrent, bref: une sacrée révolte qui finit mal. Ils avaient leurs raisons, sans doute… Le dénommé Ferré s'y fit remarquer, et ce d'autant plus facilement qu'il était vraiment grand. Un type monumental, fort comme un bœuf. Après cette mise en bouche, il s'installa avec une bande de paysans de ses relations dans le castel abandonné de Longueil-Sainte-Marie, d'où il mena la vie dure aux occupants Anglais. On le voit, le Grand Ferré était un résistant, et l'on s'explique mal pourquoi l'Histoire ne lui a pas offert une meilleure place. À mon avis, c'est parce qu'il était roturier, un handicap à côté de Du Guesclin, et qu'il avait du poil dans les oreilles à la différence de la Pucelle. Henry Purcell, le fameux chroniqueur Anglais de la Guerre de Cent Ans, considère aussi que le fait d'avoir connu une fin moins spectaculaire que celle de la demoiselle d'Arc, a joué en sa défaveur. On croit entendre des trémolos de compassion sous la plume de Purcell, lorsqu'il admet avec un fair-play déjà britannique pour l'époque, que la mort du Grand Ferré fut pourtant glorieuse!
Qu'on en juge: après avoir occis à la hache d'abattage, dont il ne se séparait jamais, moult envahisseurs Anglais, Ferré ressentit une certaine lassitude. Il aurait pris froid, dit-on, et se serait retiré dans sa masure avec un bon grog. Les Anglais ayant eu vent de son indisposition vinrent pour l'attaquer… Il les tua tous de sa hache, soit une bonne quarantaine selon certains auteurs, ce qui lui donna soif. Pour son malheur, il alla boire l'eau fraîche de son puits… Ce qu'il ne faut jamais faire, lui aurait dit ma mère! Cette eau glacée absorbée par un corps en sueur, déjà fébrile sans doute, en raison des courants d'air, cette eau glacée eut raison de lui: il se recoucha et mourut. Voilà-t-il pas un mâle, un vrai, comme on a perdu la recette? Quoi qu'il en soit, surtout couvrez-vous.
(Source image: monument au Grand Ferré de Michelangelo Buonarroti Junior)

9 commentaires:

  1. D'où l'intérêt de ne jamais boire d'eau du tout comme dirait Nicolas !
    :-))

    [Caser Purcelle et Pucelle dans le même article, tu luttes contre la dyslexie ?].

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  2. parlez nous donc une prochaine fois de la fin tragique de Tycho Brahé

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  3. Le coucou...
    Je ris tellement que je suis incapable de mettre des mots à la suite les uns des autres...
    Je vous vois fort bien ... avec une petite laine et............. un caleçon long... long... comme mon grand-père Léon...
    Punaise, suis incapable de dire quelque chose...
    je préfère dire à +

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  4. @ M'sieur Poireau
    Mais "leCoucou" ça peut tout, ça peut tout m'sieur... oui, m'sieur, ça peut même mettre une pucelle dans le nid de Purcell...

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  5. à Olympe...
    Mais qu'est-ce qu'elle va nous chercher ou plutôt qu'est-ce qu'elle va nous trouver Olympe...
    Pitié, pitié .... pas Brahé, j'ai rien à mesurer moi...
    et mon mari qui prétend que je descend des Vikings... au secours...
    Mais pourquoi, pourquoi Olympe met le feu aux poudres... qu'est-ce qu'elle cherche .... une petite princesse comme otage...

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  6. M. Poireau,
    Eh oui! mais il n'avait pas de pression sous la main, le malheureux!
    Purcell était incontournable: ses travaux, notamment dans "King Arthur" et plus précisément le "Chant du froid" ont été inspirés par le Grand Ferré, c'est évident.

    Olympe,
    merci de l'idée, même malicieuse… Il doit en effet y avoir de la pierre à bâtir de ce côté, pour un petit billet…

    Jeffanne,
    Je rougis dans mon caleçon long, blanc à pois bleus, sans bien savoir si je vais prendre vos commentaires pour du lard ou du cochon.

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  7. Ne rougissez pas Monsieur Le Coucou,non ne rougissez pas... v'sêtes bien assez mignon comme cela dans un caleçon aussi joli.... alors, alors pourquoi en rougir...
    Du lard, du cochon ??? mais choisissez les deux je vous en prie...
    Votre texte était épatant....
    Va pas m'empêcher de dormir, j'espère, le grand Ferré (lol)

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  8. Bonjour Le Coucou,
    Mal dormi....
    mais pourquoi, pourquoi me montrer des grands mecs (dans tous les sens du terme)avec une hache de guerre à couper tous vos rêves éclectiques....
    et puis le caleçon, à pois bleu (ma couleur préférée) ça m'asseoit par terre moi....

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